lundi 11 mars 2024

Prise d'armes à Polytechnique, ordre du jour de monsieur le ministre des armées Sébastien Lecornu [mars 2024]

Ordre du jour de monsieur Sébastien Lecornu, ministre des armées

Prise d’armes à l’École polytechnique
Cour d’honneur de l’X, Palaiseau, le 8 mars 2024
 
Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Madame la préfète,

Mesdames et messieurs les élus,

Monsieur le chef d’état-major des armées,

Monsieur le délégué général pour l’Armement,

Monsieur le secrétaire général pour l’administration,

Madame l’inspectrice générale des armées,

Monsieur le Président du directoire de l’Institut polytechnique de Paris,

Madame l’ingénieure générale commandant l’École polytechnique,

Mesdames et Messieurs les officiers, professeurs, et agents de l'École,

Mesdames, Messieurs les élèves-officiers polytechniciens,

Mesdames et Messieurs,
 
Depuis la création de l’école par la Convention en 1794, les élèves qui sont passés sous le bicorne, de Carnot à Foch et jusqu’aux pionniers de la dissuasion que furent Audran, Chevallier et Carayol, ont tous bien servi la France. 
 
Car c’est ce que nos compatriotes attendent de vous. Mieux, c’est ce qu’ils espèrent de vous, car les Français forment une Nation qui croit depuis longtemps dans la science et dans le progrès.
 
Plus que nuls autres, vous incarnez cet espoir. 
 
En m’exprimant pour la deuxième fois devant vous, je veux à nouveau reprendre les mots du général de Gaulle lors de sa visite de l’école en 1959.
 
« En notre temps, ce que la France demande à Polytechnique, c’est justement de former, comme l’École l’a toujours voulu, des hommes [et désormais des femmes] dont l’intelligence et dont le caractère soient capables de maîtriser la matière et par conséquent de l’utiliser dans l’intérêt général, au lieu de laisser le monde s’asservir sous sa loi. Que vous pratiquiez ici, Messieurs [et j’ajoute Mesdames], tout ce qui définit votre École et fait sa grandeur : la connaissance scientifique, la discipline et la solidarité, le travail personnel, tout cela est capital pour assurer le triomphe de l’esprit sur la matière. »
 
***
 
Mesdames, Messieurs les élèves-officiers polytechniciens,
 
Ce que la France demande à Polytechnique n’a pas changé. Et c’est précisément parce que la France attend de vous que vous la serviez, qu’elle a fait de vous des militaires. Ce statut est une force majeure de votre formation. Il vous apporte plus encore que des connaissances, il vous apprend qu’il n’y a pas de grandeur sans humilité ; qu’il n’existe pas de succès solitaire ; qu’il n’y a pas d’innovation sans discipline ; et que rien ne vaut de réussir si l’on ne consacre son labeur à une cause plus grande et plus belle encore que son propre destin. C’est-à-dire, la France. 
 
Parce que vous portez l’uniforme aujourd’hui, vous porterez toute votre vie une responsabilité envers votre pays. Et les défis à relever pour la France sont nombreux.
 
Je pense évidemment au combat pour la transition énergétique, qui vous mobilise largement au sein de l’école, et pour laquelle il vous reviendra de mettre en œuvre des solutions concrètes dans l’industrie, la recherche ou dans le service de l’État : c'est là votre rôle d'ingénieur.
 
En cette journée internationale du droit des femmes, je pense aussi au combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes, que votre génération aura à poursuivre. Les femmes passées par votre école ont ouvert la voie, à l’image de votre directrice générale – la première de cette école – l’ingénieure générale Laura Chaubard. 
 
Ce sont enfin – et bien entendu – les défis de défense, de sécurité et de souveraineté qui mobiliseront votre génération. Le monde se complexifie, la compétition entre grandes puissances s’accélère et se joue pleinement sur le terrain scientifique, industriel et technologique, dans la recherche tant publique que privée, tout autant que sur les champs de bataille.
 
Dans cette compétition, la France a fait le choix de ne pas subir, car c’est son histoire, son intérêt et ses valeurs. Face aux sauts technologiques que représentent la menace cyber, les défis à relever dans le spatial, les fonds marins, le quantique et bien sûr l’intelligence artificielle, nous avons fait le choix d’investir, de transformer notre appareil industriel, et bien sûr votre école. 
 
Depuis quelques mois, Polytechnique est en transition vers une nouvelle gouvernance pour permettre l'accélération du projet de l’institut polytechnique de Paris. Par ailleurs, dans le cadre de la loi de programmation militaire, j’ai proposé d'allouer à l’École des moyens importants, qui s’élèveront à un milliard d’euros pour les sept prochaines années. 
 
Si la France investit autant pour votre école, et donc pour vous, que vous soyez étudiant français ou étranger, c’est qu’elle compte sur vous pour relever les défis technologiques que je viens de vous citer. Parce que la France a besoin d’ingénieurs pour relever les défis de son époque, plus encore demain qu’hier.
 
***
 
Mesdames, Messieurs les élèves-officiers polytechniciens,
 
Parmi tous ces défis, le saut technologique que représente l’intelligence artificielle est sans doute celui qui révolutionnera la manière de faire la guerre, ou même plus important encore de l'éviter ; comme l’atome en son temps.
 
Grâce notamment aux ingénieurs et docteurs formés à Polytechnique, la France est en mesure de devenir l’une des trois grandes Nations incontournables dans la maîtrise de cette technologie. Nous sommes dans une période décisive où nous avons fait le choix de prendre en main notre destin, plutôt que de le subir.
 
L’intelligence artificielle emportera des innovations majeures dans nos systèmes d’armes ; dans nos systèmes d’information pour les opérations et le renseignement, et dans nos systèmes d’information « organiques », c’est-à-dire ceux qui sont utiles à l’efficience de l’administration générale du ministère des armées. 
 
J’ai donc décidé la création de l’agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense (AMIAD). Comme le commissariat de l’énergie atomique avait été créé en 1945, par le général de Gaulle pour initier notre politique de dissuasion, l’AMIAD aura pour mission de permettre à la France de maîtriser souverainement cette technologie pour ne pas dépendre des autres puissances. 
 
Cette agence verra le jour avant cet été et sera dirigée par Bertrand Rondepierre, l’un de vos anciens, qui après avoir servi chez les plus grands acteurs privés du secteur, a souhaité mettre ses compétences au service de nos armées. 
 
L’agence dans sa partie développement et production sera en partie implantée à Bruz, près de Rennes, et au sein du campus de l’École polytechnique, pour ses missions de recherche. Tous les moyens seront à la disposition de l’agence pour recruter 300 ingénieurs et doctorants français du domaine, aux conditions que dicte l’impératif de recruter les meilleurs.
 
J’entends que chacun de vous puisse prendre part à l’aventure stratégique qui se jouera ici dès l’été, où une communauté de chercheurs, pionniers de l’intelligence artificielle, donneront à la France les moyens de son indépendance et de sa crédibilité technologique pour les décennies à venir.
 
L’agence aura la capacité de répondre seule à certains besoins des armées. Mais, elle devra dans le même temps agir avec nos industriels, sans être uniquement prescripteur, mais en co-produisant avec nos plus entreprises comme nos PME. 
 
Les chercheurs et ingénieurs de l’Agence bénéficieront du plus puissant supercalculateur classifié « secret défense » dédié à l’intelligence artificielle en Europe. Il entrera en service dès l’année prochaine. Tous ces efforts devront placer la France dans une position de puissance fiable, crédible et indépendante dans le domaine de l’intelligence artificielle.
 
Pour y parvenir, une fois encore la France en appelle à Polytechnique.
 
Pour la Patrie, les Sciences et la Gloire !
 
Vive l’École polytechnique !
 
Vive la République !
 
Et vive la France !
 
 
 
 
Ministère des armées, salle de presse,  08.03.2024 Ordre du jour de Monsieur Sébastien Lecornu, ministre des Armées, prise d'armes à l’École polytechnique 
 

 
 
Note de la rédaction :

Pour apprécier la portée du discours du ministre des armées, on peut consulter 

  • le livret de formation humaine et militaire (FHM), qui a été entièrement remanié pour la promotion 2024 [1]
  • le livret de formation militaire initiale (FMI), dont la première édition a été distribuée à la promotion 2023 [2].

On pourra également se pencher sur la formation soft skills prodiguée dans les grandes écoles d'ingénieurs.

[1] Livret de formation humaine et militaire - promo 2024, X-SoftSkills, septembre 2024
[2] Hard et soft skills militaires de la formation militaire initiale (FMI) à Polytechnique, X-SoftSkills, septembre 2023
[3] La formation soft skills dans les grandes écoles d'ingénieurs, X-SoftSkills, mars 2024